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Un printemps au théâtre dans la région lilloise

Lucile Vincent 14 avril 2022
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Quels spectacles voir à Lille en ce moment ? Le printemps nous offre avec son arrivée une multiple sélection de pièces en tout genre, pour tous les goûts et pour tous les âges. Comédie, classique ou contemporain, énorme production ou seul en scène, retrouvez ici une sélection de pièces de théâtre à voir à tout prix.

L’Absence de père – Les 26 et 27 avril
Librement adapté de Platonov d’Anton Tchekhov
Le Phénix | Valenciennes – Durée : 2h15

© Pascal Victor

L’homme aspire-t-il seulement à être reconnu et non à être ? Dans la spirale vertigineuse du regard de l’autre, Platonov court à sa perte, avec en toile de fond, la question de la responsabilité individuelle face à la montée des fractures sociales…

Chaque été, Anna Petrova reçoit ses amis dans sa propriété en faillite. Parmi eux Platonov. Ce Hamlet de province symbolise une humanité tiraillée entre son mal‑être et son désir de vie, ses rêves avortés et son besoin de reconnaissance… Écrite par un Tchekhov de 18 ans, l’œuvre reste ô combien d’actualité. Questionnant la place du spectateur et les difficultés des êtres à (co)exister, Lorraine de Sagazan invite le public dans l’espace scénique, comme lors d’une exposition. Ici, les œuvres seraient les acteurs, anti héros d’un monde orphelin de pères et de repères.


Le Dragon – Du 27 au 30 avril
De Evgueni Schwartz, mise en scène Thomas Jolly
Théâtre du Nord | Lille – Durée  : 2h30

© Nicolas Joubard

Depuis des siècles, un dragon à trois têtes terrorise toute une ville : les autorités locales, complices et serviles, se plient à tous les caprices du monstre. Lancelot, héros professionnel – un super héros dirait-on aujourd’hui – décide de le combattre et le tue. La liberté retrouvée ne sera que de courte durée car bientôt s’installe une tyrannie bien plus sourde que celle du dragon.

Après les succès de Henry VI, Richard III et Thyeste, Thomas Jolly, acclamé pour ses mises en scène grandioses, s’empare de ce formidable conte fantastique en trois actes d’Evgueni Schwartz. Cette parabole écrite en 1943 s’attaque de façon satirique au national socialisme allemand d’Hitler ainsi qu’à la dictature stalinienne – dénonciation censurée d’ailleurs par le régime soviétique juste après la première en 1944 à Moscou. Ce n’est ni plus ni moins qu’une féerie mordante et pleine d’humour qui traite de tyrannie, de pouvoir, d’asservissement volontaire, mais surtout de liberté et fait toujours écho à nos sociétés contemporaines.


Showgirl – Le 29 avril
Marlène Saldana & Jonathan Drillet
La rose des vents – La Condition Publique | Roubaix – durée estimée 1h15
Déconseillé aux moins de 16 ans

© Jérôme Pique

Showgirls de Paul Verhoeven est longtemps resté incompris. Sorti en 1995, le onzième film du réalisateur de Robocop reçut un accueil désastreux. Au fil des ans pourtant, cette sulfureuse œuvre fut réhabilitée est considérée pour ce qu’elle est : une satire au vitriol de l’Amérique contemporaine – et par rebond de l’Occident. L’histoire est celle de Nomi Malone, jeune fille rêvant de devenir danseuse dans les plus beaux casinos de Las Vegas. Elle débutera comme strip-teaseuse dans les bas-fonds, bravant humiliations et violences pour parvenir à ses fins. Obsession pour l’argent, le sexe, le pouvoir, la célébrité… Les thèmes abordés ne sont pas les moins actuels. Librement adapté du scénario original, cet opéra-techno prend ici la forme d’un monologue déjanté, à la manière de Oh les beaux jours ! de Beckett. Sur une musique de Rebeka Warrior (Sexy Sushi, Kompromat, Mansfield TYA), Marlène Saldana incarne tous les personnages. Prisonnière des fumerolles du show-business dans un paysage volcanique, entre expressionnisme russe et modern-jazz énervé, elle offre une performance aussi cinglante qu’explosive.


NYX – Du 4 au 6 mai
Fabrice Melquiot, Camille & Sombre
La rose des vents – La Condition Publique | Roubaix – durée 1h

© Francesca Todde

Depuis près de 30 ans, le Théâtre du Centaure vit en symbiose avec les chevaux, au quotidien comme sur scène. Sitôt le rideau levé, des créatures mi-humaines, mi-animales, tels ces êtres fabuleux de la mythologie grecque apparaissent et nous enchantent. Après Quand nous étions enfants, accueilli à la Rose des vents en décembre 2019, où Manolo et Camille nous racontaient leurs enfances et leur parcours, nous retrouvons cette dernière en solo pour un nouveau tour de piste tout aussi onirique et poétique. NYX, du nom de la déesse de la nuit, narre les errances d’une femme dans un Paris nocturne et sauvage. Le plateau vide et obscur autorise toutes les projections mentales, tandis que des voix off narrent l’histoire, écrite par l’auteur et metteur en scène Fabrice Melquiot. Notre héroïne sort d’un immeuble où vit son amante. On comprend qu’une rupture a eu lieu. Camille est portée par Sombre, son étalon frison, telle une Amazone éperdue. Sur son chemin, elle croisera un loup, un lynx, un cerf et des hommes. Ces rencontres se révèleront parfois protectrices, parfois dangereuses, l’une d’elles aboutissant même à un viol. Armée d’une grande canne blanche, elle livre alors un combat métaphorique contre elle-même et toutes les violences obstruant la parole féminine lors d’une aventure, forcément, débridée.


Outside – Les 11 et 12 mai – Annulé
Kirill Serebrennikov
Tandem | Douai – durée : 2h

© Ira Polyarnaya

Traversé par la figure tragique du photographe chinois Reng Hang, Outside témoigne aussi en miroir de l’expérience du metteur en scène Kirill Serebrennikov. Assigné à résidence par le pouvoir russe, il a dû mener sa création à distance.

Outside porte la marque de deux grands artistes. Celle du metteur en scène et cinéaste russe Kirill Serebrennikov, dont le dernier film Leto a confirmé l’étendue du talent et qui a fait du Théâtre Gogol un des hauts lieux d’avant-garde moscovites. Ce même Serebrennikov doit également sa notoriété à ses démêlés avec le pouvoir russe : assigné à résidence au moment de la création en France, il a dû diriger les comédiens à distance, par le biais de ses avocats et de son assistant. Outside porte également la marque du poète et photographe chinois Ren Hang, auquel il rend hommage. Connu dans le monde entier pour ses portraits et ses photos de nu marquées de rouge, moins pour ses poèmes qui ont impressionné le metteur en scène russe. Ren Hang était lui aussi persécuté par les autorités de son pays. Influent auprès de la jeunesse chinoise, il s’est donné la mort le 24 février 2017, le jour de ses 29 ans, deux jours avant la rencontre prévue avec Serebrennikov. Ode à la liberté, Outside ne montre aucune de ses images. Performance hautement corporelle pour dix acteurs, le spectacle développe les liaisons souterraines que Kirill Serebrennikov a tissées avec Ren Hang — la censure, la liberté d’expression, l’identité, le genre, la sexualité — un dialogue d’une intensité fascinante qui nous emporte jusqu’aux larmes dans deux solitudes réciproques.


Le iench – Du 17 au 20 mai
Texte et mise en scène par Eva Doumbia
Théâtre du Nord | Lille – durée : 2h10

© Arnaud Bertereau

Drissa rêve d’une vie banale, où son origine malienne, sa couleur de peau ne l’assigneraient pas systématiquement comme délinquant ou sportif aux talents footbalistiques cachés.
Et puis, un soir, il y a une bavure policière, ce soir-là, la vie de la famille bascule.

Tant de choses ont été écrites, jouées, et dites sur ceux qui vivent entre deux mondes. L’Afro-Européen peut ne pas vouloir savoir qu’il l’est. Ou au contraire aimer cette dualité. Mes personnages refusent de subir, ils veulent modifier leur société. Pouvoir choisir.” Eva Doumbia dresse en toile de fond le difficile combat quotidien des populations afropéennes invisibilisées. Une population qui, dans un monde pourtant diversifié, reste démesurément absente des modèles et représentations de réussite sociale…


Contes & Légendes – Les 19 et 20 mai
Joël Pommerat
Le Phénix | Valenciennes – durée : 1h50

© Elizabeth Carecchio

Après une plongée au cœur de la Révolution française avec Ça ira (1) Fin de Louis, Joël Pommerat imagine un monde où le robot serait le meilleur ami de l’Homme. Dans cet avenir plus ou moins proche, le metteur en scène fait cohabiter des androïdes avec des pré-adolescents.

Sur un plateau nu, dix interprètes incarnent de véritables filles et garçons, d’autres de paisibles humanoïdes. Qui est réel ? Qui ne l’est pas ? La confusion est totale. Mais, qu’on ne s’y trompe pas, il ne s’agit pas là d’une énième fable dystopique sur l’avènement de la machine. Tel un anthropologue du futur, Pommerat observe des interactions sociales, des jeux d’enfants parfois sauvages. Il joue les équilibristes sur un fil ténu séparant le vrai du faux, l’authentique de l’artificiel, pour mieux tendre un miroir à l’humanité.


Spectacles jeunesse


Scoooootch ! – Le 7 mai
Amélie Poirier / Les Nouveaux Ballets du Nord-Pas-de-Calais
Vivat | Armentières – durée : 35 min

© Hubert Helleu

Une chorégraphie de rouleaux de scotchs, dont la joie et l’énergie sont contagieuses !

S’amuser avec des rouleaux de scotch : vous en rêviez, Amélie Poirier l’a fait ! Dans son nouveau spectacle, trois « animatrices de matière » se jouent de tout ce qu’elles peuvent faire avec du ruban adhésif. Comme par exemple : des cabanes épurées, une sculpture éphémère, recoller les morceaux entre deux personnes… Ce scotch qu’elles déroulent, qui parfois les dépasse, les invite à être les plus libres possible mais aussi à l’écoute de cette matière imprévisible et de tout ce qui pourrait advenir. Une forme d’improvisation permanente, qui rapproche les artistes et le public de cet état, où, enfants, nous pouvions jouer des heures sans ennui, n’ayant que faire du temps qui s’écoule.


Le monde à l’envers – Les 7 et 8 mai
Direction artistique et chorégraphie : Kaori Ito
Théâtre du Nord, L’idéal | Tourcoing – durée : 40mn
Tout public à partir de 4 ans

© Kaori Ito

Sola, un petit garçon se réveille dans un monde qui marche sur la tête. Pour le sauver, il faudra compter sur les précieux secrets des enfants… 

Maman d’un petit garçon de 4 ans, Kaori Ito s’interroge beaucoup sur la transmission. Comment transmettre son savoir de vie à la nouvelle génération pour l’aider à grandir, développer sa créativité et assumer son originalité ? Pour se nourrir de la vision du monde des plus petits, Kaori Ito a imaginé récolter la parole des enfants et a construit pour cela une cabane à secrets ainsi qu’un Kamishibaï, petit théâtre en papier japonais qu’elle a elle-même dessiné. C’est Denis Podalydès qui prête sa voix à Sola, ce petit garçon qui traverse un monde à l’envers où la terre, trop piétinée, s’est échappée par le haut.
Un trio de danseurs et danseuses chargé des réflexions métaphysiques des tout-petits, de leurs rêves de disparition, exprime sur scène nos peurs existentielles de la mort et de la transformation. Un spectacle pour rêver, grandir et construire un monde meilleur.


Rémi – Les 17 et 18 mai
Jonathan Capdevielle – Association Poppydog
Tandem | Hippodrome de Douai – durée : 1h30
Tout public à partir de 8 ans

© Tandem

Sans famille, vibrant classique de la littérature jeunesse, qui a fait pleurer des générations avec l’histoire de Rémi, jeune orphelin vendu à un saltimbanque au grand cœur, ne pouvait que plaire à Jonathan Capdevielle. Il poursuit ainsi son exploration des thèmes de l’enfance et de la construction de l’individu en s’adressant directement au jeune public.

Les souvenirs, le rapport aux origines, à la famille, et la façon dont ces éléments conditionnent l’individu, tiennent une large place dans les spectacles de l’auteur, metteur en scène et comédien Jonathan Capdevielle, formé à l’École supérieure nationale des arts de la marionnette de Charleville-Mézières. Le courage de Rémi, l’optimisme de ce jeune héros poussé sur les routes, l’ont convaincu de transposer cette histoire aujourd’hui. Le spectacle raconte donc l’éducation d’un enfant devenu pop star qui sort un album intitulé Sans famille. Les autres personnages apparaissent comme surgis de son esprit, par le biais de grandes marionnettes dans un jeu très chorégraphié. Dimensions essentielles de la pièce, la musique et le son, particulièrement travaillés au plateau. Ils font le lien avec la deuxième partie de Rémi : une fiction audio distribuée à la sortie du spectacle.

Lucile Vincent

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